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administration, qui ait pratiqué les intérêts de l’Europe. — C’est cela, prince, c’est cela ! continuez, je vous prie. — Un homme, enfin, que les souverains aient déjà pu apprécier et dont le caractère soit une garantie de modération et de bonne foi. — Eh bien ! prince, ce que vous me faites l’honneur de me dire, j’ai pris la liberté de le dire et de l’écrire. J’ai fait plus, j’ai osé désigner celui que, selon moi, il conviendrait de charger des destinées de notre ancienne patrie commune. »

En parlant ainsi, Pozzo semblait porter un regard respectueux sur Bernadotte, qui, réprimant sa joie, dit en souriant : « Y aurait-il de l’indiscrétion à vous demander quel personnage votre expérience a désigné ? — Votre Altesse l’a deviné, je gage. — Je pourrais me tromper, monsieur le comte ; nommez, de grâce, celui qui a votre suffrage. — Vous l’exigez, prince. Eh bien !… c’est moi, oui, moi, qui suis Français, militaire, administrateur, à qui les intérêts de l’Europe sont connus et qui suis l’ami de presque tous les souverains. Ne sont-ce pas là les conditions qu’exige Votre Altesse ? »

Bernadotte, furieux d’une pareille mystification, se leva de table, et, sûr que le courtisan russe n’eût pas osé la risquer sans s’être entendu avec le czar, il délogea de Paris le matin même du jour où le comte d’Artois y fit son entrée, au milieu des