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Staël[1]. Quoique douée d’un esprit et d’un talent supérieurs, sa fortune et sa position ne contribuèrent pas peu néanmoins à exagérer la réputation littéraire qu’elle méritait. Napoléon avait dédaigné d’en faire son Égérie ; la chute du grand homme fut une joie pour ce cœur de femme. Aussi, dans ses salons, ne cessa-t-elle de faire aux étrangers les honneurs de notre ruine. J’ignore si elle eut jamais l’idée d’appuyer les prétentions qui ramenaient Bernadotte en France[2]. Quant à cet ancien républicain, voici une anecdote qui m’a été racontée par un homme qui avait pu la puiser à une bonne source, si même il n’avait pas été témoin du fait.

Dans le peu de jours qu’il passa presque incognito à Paris, avant de s’ouvrir à l’empereur Alexandre, en qui on avait d’abord remarqué de l’hésitation au sujet des Bourbons, Bernadotte, voulant jouer avec prudence son rôle de prétendant à la couronne

  1. Née à Paris le 22 avril 1766, madame de Staël y est morte le 14 juillet 1817.
  2. Dans ses Considérations sur la Révolution française (Ve partie, chapitre iv), madame de Staël, qui loue entièrement la conduite de Bernadotte, ne parle pas cependant de lui d’une manière qui fasse croire qu’elle eût pensé à le pousser au trône de France ; mais ce qu’elle dit fait entendre que Bernadotte songea réellement à y monter. « On a prétendu, dit-elle, qu’il avait eu l’ambition de succéder à Bonaparte ; nul ne sait ce qu’un homme ardent peut rêver en fait de gloire ; mais ce qui est certain, c’est qu’en ne rejoignant pas les alliés avec ses troupes, il s’ôtait toute chance de succès par eux. »