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gloire littéraire était la première à ses yeux ; aussi l’Académie française, en lui préférant Viennet, lui causa-t-elle un vif chagrin, quelque chose qu’il m’ait pu dire pour le dissimuler.

Le mauvais côté de la gloire de l’intelligence, c’est son incertitude pour ceux qui l’obtiennent. Ayez six pieds de haut, pas ne sera besoin de faire partie d’une compagnie de grenadiers pour savoir que penser de votre taille. Et Constant, après tant de succès comme écrivain et comme orateur, avait besoin, pour croire à sa valeur littéraire, d’appartenir à un corps illustre. Il n’eût pas été plutôt de l’Académie, qu’il en eût ri le premier et fût retombé dans son incertitude, car nul homme ne se désenchanta plus vite de ce qu’il avait le plus souhaité.

Je lui avais conseillé moi-même de se mettre sur les rangs pour le fauteuil vacant, en lui avouant que si je n’ambitionnais pas le même honneur, c’est qu’il était entouré de trop d’inconvénients pour mon humeur et mes goûts ; ajoutant que, selon moi, les réputations qui naissent à une époque de transi-

    c’est parce que notre esprit est différemment frappé. Cela ne fait rien à l’affection. J’aspire à vous voir accepter la mienne et je vous assure que je n’ai pas dit un mot, pas eu une pensée qui doive vous blesser.

    « Vous voyez que je réponds non-seulement sans rancune, mais avec une affection vraie. Elle ne peut pas plus s’affaiblir que mon goût pour votre esprit et mon affection pour votre talent. J’irai vous voir incessamment avec La Fayette. Tout à vous pour la vie. »