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joueur : mais les intérêts politiques l’arrachaient facilement à cette passion d’emprunt. Pourtant la

    dans l’erreur. Mon opinion est précisément comme je l’énonce dans ces lettres. Je crois fermement que la France ne peut d’ici à longtemps être libre qu’en consolidant sur les bases actuelles la dose de liberté qu’elle possède ou doit posséder. Je puis avoir tort ; mais j’ai la conviction que nous devons nous en tenir à la monarchie constitutionnelle. Je sais ou je crois savoir que les vieux gouvernements sont plus favorables à la liberté que les nouveaux. Si la dynastie se déclare hostile, advienne que pourra. Ma mission n’est pas de sauver ceux qui voudraient se perdre ; mon appui ne se donnera jamais au pouvoir absolu et la légitimité ne l’obtiendra pas. Mais tout désir de renversement sans autres motifs que des souvenirs ou des haines n’entrera jamais dans ma pensée. Voilà ma profession de foi vis-à-vis de vous : je puis me tromper, mais je ne cache rien, je ne voile rien, et, si mes opinions déplaisent, il faut en accuser le fond, non la forme, qui ne provient nullement des ménagements que vous me supposez, ni d’un désir de succès que je n’éprouve pas.

    « Ceci me ramène à la fusion. Je répète que je n’y travaille point ; que pas un de ceux qui y travaillent ne m’en ont parlé ; que, si elle a lieu de manière que la portion hésitante et égoïste se fonde dans la portion libérale, j’en serai charmé ; mais que je m’opposerai toujours à ce que cette dernière se laisse affaiblir par l’autre.

    « On vous a dit qu’on m’avait envoyé au Courrier comme à Strasbourg. M. Laffitte sait que les actionnaires du Courrier m’ont prié d’y concourir. Je n’en ai pas le premier conçu l’idée, j’y ai consenti. Je crois avoir bien fait. Je crois avoir dit des choses utiles, et, dans tous les cas, j’ai pensé ce que j’ai dit.

    « Voilà une bien longue lettre, mon cher Béranger. J’ai du plaisir à vous parler avec tout abandon. Je voudrais que cette tracasserie que l’on a voulu me faire auprès de vous fût l’époque d’une amitié plus intime et plus confiante. Vous êtes, je le dis encore, l’homme de France pour qui j’ai le plus d’attrait. Vous êtes, quand vous jugez à vous seul, le juge que je choisirais avant tout autre. Je vous offre un plein et entier attachement. Si nous différons sur quelques points,