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fallait voir la stupeur et la rage de cette multitude courageuse qui a le goût et l’instinct des combats et qui, tout le jour, n’avait cessé de solliciter des armes qu’on s’était bien gardé de lui accorder. Moi aussi, j’avais en vain été demander un fusil à ceux qu’on disait chargés d’en faire la distribution.

Il m’a toujours semblé que j’aurais été brave ce jour-là. Certes, il est du moins des choses que je n’aurais pas faites : céder à de perfides insinuations ; aller tendre la main aux ennemis de notre pays ; signer une capitulation qu’on pouvait retarder de deux jours au moins, rien qu’en refusant de laisser entrer leur armée, qui était trop faible pour se hasarder contre une ville si populeuse ; voilà, je le sens, ce qu’on n’eût pu obtenir de moi, m’eût-on menacé de la mort la plus cruelle. Mais on avait satisfait aux exigences de tactique et de stratégie ; les canons avaient tiré autant de coups qu’ils en doivent tirer dans un jour ; on comptait le peuple pour rien ; l’honneur militaire était satisfait, et des hommes renommés par leur bravoure, n’ont pas hésité à signer la reddition de la capitale, c’est-à-dire l’asservissement de leur patrie !

Ne pouvant plus douter de cette capitulation, je passai une bien triste nuit dans mon misérable galetas, si voisin alors du camp étranger. Barbares ou civilisés, tous ces soldats, dont quelques-uns peut-