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rapporter quelques faits dont j’ai pu être témoin ou que des témoins sûrs m’ont racontés. L’histoire néglige trop les petits détails ; c’est lui rendre service que d’en conserver même d’insignifiants en apparence. Elle y peut trouver l’expression de la pensée de la foule, qu’elle semble trop dédaigner. C’est une mauvaise habitude que de réunir, pour représenter chaque époque, quelques figures qu’on débarbouille ou qu’on grime selon sa fantaisie et auxquelles le style sert de piédestal.

En 1814, je demeurais dans une maison voisine de la barrière de Rochechouart[1], qui, le 30 mars, fut saluée de plusieurs obus. D’après ce que je savais du peu de dispositions prises pour la défense, je pensais que ma chambre pourrait, dans la journée, être envahie par l’ennemi. C’était presque une position militaire ; de ma fenêtre, on planait sur Paris et ses environs. Après une canonnade qui ne trouva d’opposition sérieuse que du côté de Ménilmontant, où le combat fut long et acharné et où se conduisirent en héros les élèves de l’École polytechnique et de l’École de Saint-Cyr, vers cinq heures, je vois une colonne de cavalerie arriver sur la butte Montmartre,

  1. Rue de Bellefonds, dans l’ancien château du fameux comte de Charolais, transformé alors en pension bourgeoise. (Note de Béranger.) C’était chez le docteur Mellet, homme fort enjoué qui avait une famille spirituelle.