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Chercheuse d’esprit et les Trois Sultanes. Je me demande encore aujourd’hui pourquoi, dans mon ignorance, je prenais plaisir à considérer curieusement ce vieux poëte dont je ne pouvais apprécier ni les titres ni la réputation.

Était-ce l’instinct de mon sort à venir qui m’attirait vers cet auteur de tant de poésies chantées, vers ce Favart qui, parlant de ses courses dramatiques, à la suite des camps, a dit : « Le maréchal de Saxe m’avait institué le chansonnier de l’armée ? »

Mon autre souvenir est d’une nature différente. Au nombre des pensionnaires se trouvaient plusieurs enfants de Grammont, acteur tragique du Théâtre-Français. Je vois encore le plus jeune, vêtu d’une houppelande rouge, défroque héroïque de son père. Combien j’étais ravi quand il nous répétait le rôle de Joas, que déjà on lui faisait jouer ! Je m’étais lié avec cet élève, parce qu’il était doux et tranquille, ce qui convenait à ma rêveuse nonchalance. Il n’en était pas ainsi de Grammont l’aîné, âgé d’au moins quinze ans ; celui-ci m’inspirait une terreur extrême par les mauvais traitements qu’il me faisait subir. Heureusement nos rencontres étaient rares : il appartenait à la catégorie des grands ; j’étais avec les petits. J’ai soupçonné plus tard la cause de son aversion pour moi.

J’avais là, pour protectrice, une parente de mon