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L’esprit des coulisses et les intérêts du théâtre dominaient dans les conversations, qui n’étaient pas toujours exemptes de l’aigreur qu’engendrent les rivalités. J’ai aimé les plaisirs de la table pour l’épanchement qu’ils font naître et les spirituelles folies qu’ils font dire ; mais, dans ces plaisirs, il a toujours fallu pour moi qu’il se trouvât quelque grain de philosophie et surtout qu’il y eût le charme des affections. J’étais loin de compte au Caveau moderne. L’ancien, tant vanté par nos pères, ne valait sans doute pas mieux sous ce rapport ; les sociétés qui se prétendent joyeuses sont rarement gaies.

Armand Gouffé[1], qui me rechercha avec beaucoup de bonté, avait présidé le Caveau, mais l’avait quitté, disait-on, par la jalousie des succès de Désaugiers, qu’il y avait amené. Ce n’est pas lui qui eût pu égayer cette réunion ; mais il n’en était pas moins un des plus spirituels et des plus habiles faiseurs de couplets. Son genre, qui était celui de Panard[2], n’est

  1. Né à Paris le 22 mars 1770, mort le 19 octobre 1845 à Beaune, Armand Gouffé, qui était d’une humeur triste, a laissé des chansons célèbres : Plus on est de fous, plus on rit ; l’Éloge de l’eau ; Saint-Denis ; le Corbillard. Il a produit, comme Désaugiers, un très-grand nombre de pièces de théâtre.
  2. Armand Gouffé, qui a donné une édition des œuvres choisies de Panard (1808, 5 vol. in-18), le peignait ainsi dans un couplet :

    La gaieté dicte ses chansons,
    Mais l’innocence peut les lire ;
    À la fois discret et malin,