Page:Béranger - Ma biographie.djvu/157

Cette page a été validée par deux contributeurs.

genre, je n’eusse jamais pensé à les publier. « Il faut qu’il soit des nôtres ! » fut le cri de tous. Pour obéir aux règlements, qui défendaient de nommer un candidat présent, on me fit cacher derrière la porte, un biscuit et un verre de champagne à la main. J’y improvisai quelques couplets de remercîment pour mon élection faite à l’unanimité, au bruit de joyeuses rasades, et confirmée par une accolade générale.

Absent de ce dîner, le vieux chevalier de Piis[1], membre du Caveau, protesta contre mon élection : les plus petites gloires ont leurs jaloux ; serait-ce pour cela qu’elles donnent autant d’orgueil que les grandes ? Piis avait eu un vrai talent et beaucoup d’esprit ; mais, par l’humeur, il ne ressemblait en rien à Désaugiers et s’en prenait aux réputations naissantes de la perte de la sienne, tort assez commun aux invalides littéraires. Aussi, lorsque plus tard courut la chanson du Bon Dieu, y fit-il une réponse, insérée dans les journaux officiels, et qu’il présenta à Louis XVIII. Ce prince, qui avait bonne mémoire, dut bien rire en voyant cette nouvelle palinodie d’un homme qui, ancien serviteur du comte d’Artois, n’en avait pas moins chanté tous les pouvoirs révo-

  1. Né à Paris le 17 septembre 1755, le chevalier de Piis avait fait ses débuts sous les auspices du joyeux abbé de Lattaignant, dont Béranger prisait particulièrement la verve.