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perdu un des vers qu’ils ont faits. Je n’ai pas conservé plus du quart des miens, et, je le sens aujourd’hui, je n’en ai que trop conservé.

On doit comprendre, d’après ce que je viens de dire, la contrariété que j’ai toujours éprouvée lorsque, pour louer mes chansons, on leur faisait l’honneur de les appeler des odes. Nous avons peine à nous défaire de toutes les aristocraties, et celle des genres en littérature n’a pas encore cessé de régner chez nous, en dépit des puissants efforts tentés par ce qu’on appelle l’école romantique. Sous ce rapport et sous beaucoup d’autres, je lui dois de la reconnaissance. Ce vers du maître, qui a dédaigné de donner place à la fable dans son Art poétique :

Il faut, même en chansons, du bon sens et de l’art,


est resté pour beaucoup de gens l’appréciation la plus élevée du genre auquel j’ai fini par consacrer tout mon temps et mes soins. De là le nom d’ode donné à celles de mes chansons qu’on croyait appartenir à un genre supérieur, en dépit de la synonymie réelle des deux mots. Je le tiens de Rouget de l’Isle lui-même[1] ; il se fâchait lorsqu’on appelait la Marseillaise une chanson. Puisse-t-on ne me trouver d’autre tort, dans ces réflexions, que celui de défendre un

  1. Voir la Correspondance, tome III, p. 5.