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études sont bien longues. Je m’appris à couver longtemps ma pensée, à en attendre l’éclosion, pour la saisir du côté le plus favorable. Je me dis, enfin, que chaque sujet devait avoir sa grammaire et son dictionnaire, et jusqu’à sa manière d’être rimé ; car tout ce qui est élégiaque n’exige pas la grande exactitude des rimes. Je ne rapporte ces détails que pour les gens qui pensent que, pour bien écrire, il suffit de laisser tomber au hasard des mots sur le papier, et qui ne font cas ni de la réflexion, ni des lectures préparatoires. Si cela continue, vous en verrez qui écriront sans savoir lire. Certes, il y a des génies privilégiés, qui réussissent à tout sans peine ; mais qui a droit de se croire un génie ?

Les corrections que je fis à mon poëme pastoral, ébauche restée inachevée, furent le travail qui me révéla le plus des secrets de notre langue. J’avais fait des odes et des dithyrambes, mais bientôt je crus m’apercevoir que, plantes exotiques transportées de l’antiquité chez nous, ces genres n’y avaient point de profondes racines, malgré tout le mérite de nos grands lyriques. Je n’ose dire que je raisonnais juste ; mais il me semble encore que l’ode, comme nous la faisons, pousse à l’emphase, c’est presque dire au faux ; et rien n’est plus contraire à l’esprit français, pour qui le simple est un des éléments nécessaires du sublime, ainsi que l’attestent l’éloquence