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Je me suis laissé aller à bien des souvenirs de jeunesse et à bien des citations : revenons aux événements de ma vie.

Lorsque j’étais sur le point d’obtenir enfin un emploi, j’eus le chagrin de perdre mon père[1], frappé d’apoplexie, à cinquante-neuf ans, au moment où l’espoir me venait de pouvoir lui procurer des jours plus heureux[2]. Bientôt après, ma sœur et la sœur

  1. Le 1er  janvier 1809.
  2. « Mon ami, je viens de perdre mon père. Le jour de l’an, à neuf heures du soir, il a rendu le dernier soupir. Ma douleur est vive ; elle est d’autant plus forte dans ce moment, qu’il s’y mêle une profonde amertume causée par les affaires malheureuses où je suis jeté et par les injustices révoltantes dont je suis la victime. La nièce* pour qui mon père a tout fait, pour qui il a fait dix fois plus que pour moi, me dépouille du reste du mobilier de mon père et de ma mère, seule compensation que je pusse recevoir des dettes que je contracte aujourd’hui pour subvenir à toutes les dépenses que le moment exige. Je ne suis point intéressé, mais j’abhorre l’injustice. On a été jusqu’à fabriquer des calomnies pour justifier le don qu’on dit avoir été fait par mon père de ces objets, peu considérables il est vrai, mais qui sont à moi. On a fait plus, on a gagné sur les dépenses qu’il m’a fallu faire depuis mon arrivée, et chaque chose m’a été comptée le double, le triple de sa valeur, ou, pour mieux dire, on a refusé de me faire aucun compte pour pouvoir me voler plus facilement. J’ai demandé au ciel un peu de patience ; j’en ai eu tant que mon père a respiré, mais maintenant je n’y tiens plus**.

    Je ne sais à quoi en est ma place. Je n’ai eu que peines et qu’em-