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Pour chaque être souffrant qui crie à son oreille,
            L’homme est un faible appui ;
Il trouve tous les maux, si matin qu’il s’éveille,
            Éveillés avant lui.

Par deux fois douze étés, arbre épuisé de séve,
            Tombé-je donc flétri ?
N’est-ce donc plus pour moi qu’au soleil qui se lève
            La nature a souri ?

Le temps qui m’entraînait me mettait, dans sa fuite,
            Une main sur les yeux ;
Le cruel, aujourd’hui, la retire si vite,
            Que je me parais vieux.

Ainsi le voyageur, la nuit, errant sans guide,
            Lorsque l’ombre se fond,
Voit ses pas engagés sur le penchant rapide
            D’un abîme profond.

La vieillesse à l’œil terne, aux tremblantes pensées,
            À la froide rigueur,
Vers moi s’avance, hélas et de ses mains glacées
            Va me serrer le cœur.

Ce soleil éclatant réveille en leur tanière
            D’horribles animaux :
Plus sur la couche humaine il répand de lumière,
            Plus on y voit de maux.

Vous, qu’à notre matin l’espérance colore,
            Fuyez, songe d’amour.
Je voudrais de mes ans n’avoir vu que l’aurore,
            Et l’aurore du jour.