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je n’ai voulu accepter que le secours de mains amies ; et si, dès qu’une espèce de rôle politique me fut marqué, j’ai résisté aux instances d’hommes recommandables, dont je ne pouvais mettre en doute l’attachement, c’est que ces amis avaient eux-mêmes, dans l’opposition, un rôle trop important pour que l’indépendance du chansonnier ne dût pas craindre d’être suspectée, s’il avait accepté de devenir leur obligé. Mais jamais, par orgueil, je n’aurais repoussé la main qu’un ami serait venu me tendre dans mes adversités : c’eût été me rendre indigne de secourir, à mon tour, des amis malheureux. Grâce au ciel, mon esprit d’ordre a pu, dans les bons jours, me permettre d’obliger souvent, et je n’ai jamais pensé qu’on eût à rougir d’avoir accepté des services qui ne pouvaient causer à ceux qui en étaient l’objet autant de joie qu’à moi-même.

Au reste, je n’ai pas été le seul écrivain de cette époque à maintenir son indépendance par une conduite désintéressée. Le nombre de ceux qui l’ont fait a été grand, malgré les calomnies répandues. On a souvent imprimé, par exemple, que Thiers avait eu des obligations d’argent à Laffitte : l’écrivain, jeune

    gendre, à Nanterre, où il est mort. Béranger ne s’est jamais consolé de sa perte. Son œil se mouillait de larmes quand il allait revoir la maison où étaient restées la veuve et la fille de son ami.

    Puisse l’exemple de M. Quenescourt susciter des amitiés prévoyantes et constamment généreuses comme l’a été la sienne !