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d’achever des comédies, dont plus de sept actes allèrent rejoindre tant d’autres ébauches abandonnées. Je m’avouai que je pourrais être un homme de style, d’imagination même, mais que je ne serai pas un écrivain dramatique. À l’âge des présomptions, il est rare que l’on découvre ainsi ses côtés faibles : je me suis toujours su un gré infini de cet acte de bon sens.

Si, depuis lors, j’ai tenté quelquefois d’aborder la scène, le besoin seul m’y a contraint[1]. Heureusement je n’obtins jamais les honneurs d’une lecture. À part mon incapacité, que serais-je devenu dans une carrière hérissée d’obstacles, où les intérêts et les amours-propres luttent sans cesse et par tous les moyens ? Même avec le génie de Molière, mon caractère m’eût fait échouer dans les coulisses[2].

  1. « Je viens de faire un opéra-comique en dix jours ; je déteste ce genre méprisable, mais le désir de fournir à Bosquillon un poëme sur lequel il pût s’exercer m’a donné le courage de l’entreprendre. J’en suis sorti mieux que je ne le pensais. La musique faite, le plus aisé sera terminé ; la difficulté sera de le faire recevoir, d’essuyer les dédains de MM. les acteurs, les maux de tête de mesdames les actrices, etc., etc. J’espère cependant que, si dans dix ans nous nous revoyons encore à Paris, nous pourrons aller à la première représentation. Au reste, je n’y attache d’autre intérêt que celui que je porte à Bosquillon. » (Correspondance, t. I, p. 128 ; — année 1810.)
  2. Je fus cependant nommé une fois au théâtre du Vaudeville, dans les premières années de la Restauration. Moreau et Wafflard m’avaient proposé de travailler à une pièce intitulée les Caméléons. Mais je ne remplis point ma tâche, renonçai à la collaboration et ne devais pas