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mais il eut la bonté de ne m’en rien témoigner ; seulement il m’engagea à traiter un sujet romain, la Mort de Néron. J’essayai, dans un poëme d’environ deux à trois cents vers, de peindre les derniers moments de cet histrion couronné ; mais je n’étais plus là dans mon élément. Jamais je n’ai pu traiter que les sujets qui viennent s’offrir d’eux-mêmes à mon esprit, et l’imitation m’a toujours été impossible. D’ailleurs, le paganisme et l’antiquité, que je connaissais aussi bien que si j’avais eu plusieurs années de collége, n’offraient aucun attrait à ma jeune muse, toute moderne, toute française et déjà révoltée contre la mythologie, dont abusaient surtout alors Delille et Lebrun-Pindare. Ce poëme de Néron ne contenait que quelques passages assez vigoureux, où paraissait une certaine tendance à la simplicité, que j’ai tant estimée aussitôt que, renonçant à l’effroyable facilité que j’avais eue d’abord d’accumuler des tas de vers, je me fus mis à travailler

    les œuvres au gré de l’impatience publique ; un poëte enfin dont tout le monde sait les vers par cœur (prenez garde, messieurs, ce n’est pas M. de Lamartine que j’entends signaler ; si je n’en avertissais pas, la méprise serait naturelle) ; je parle de Béranger, du chansonnier que le public a salué du nom si flatteur et si juste de poëte national. Eh bien, Béranger ne sait pas le latin. Je ne commets pas une indiscrétion, car le poëte le dit à qui veut l’entendre. » (Discours de F. Arago à la séance de la Chambre des députés du 25 mars 1857, dans la discussion sur l’enseignement secondaire. — V. les Œuvres d’Arago, Mélanges, p. 699.)