Eh ! n’aurez-vous pas Lamartine,
Le poëte qui nous ravit !
Les nobles vers qu’il vous destine[1]
De ses travaux paieront David.[2]
Gutenberg, s’il voit sa statue,
S’il entend l’hymne harmonieux,
À sa gloire tant débattue[3]
Pourra croire enfin dans les cieux.
Un enfant joue avec deux verres,[4]
Et le télescope est trouvé
Strasbourg, l’homme que tu révères,
Qu’a-t-il voulu ? qu’a-t-il rêvé ?
Dieu lui cria-t-il aux oreilles
Qu’il lui donnait plus qu’un métier,
Et que la lampe de ses veilles
Éclairerait le monde entier ?
Qu’espérait-il, profit ou gloire,
Quand devant l’âtre il se courbait,
Coulant le plomb d’une écritoire
Dans les moules d’un alphabet ?
Dès qu’une ligne enfin s’agence,
Il dit, ravi de l’épeler :
Victoire ! Humaine intelligence,
Va, tu ne peux plus reculer !
Quoique souvent pris de débauche,
Le monde pèse l’œuf au nid.
Ce qu’au hasard chacun ébauche,
Il le rejette ou le finit.
Lui seul parfait une pensée.
Trouve-t-elle un trône en chemin,
Dans un temple est-elle encensée :
C’est l’ouvrage du genre humain.
Quoi ! vais-je éteindre une auréole ?
Strasbourg s’est-il donc abusé ?
Non, Gutenberg est un symbole :
C’est le progrès éternisé.
De n’aller pas lui rendre hommage,
Noble cité, j’ai des regrets.
Mais déjà d’un plus long voyage
Le Temps me dit : Fais les apprêts.