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Rien n’arrête des mains cruelles.
Las ! j’ai vu des chasseurs, un jour,
Abattre au vol deux hirondelles
Dont je saluais le retour.
Vos chansons attendriront-elles
L’enfant qui s’arme de cailloux ?
Taisez-vous, oiseaux, taisez-vous.

Charmants oiseaux, connaissez l’homme :
Qu’il soit boucher, soldat, chasseur,
Il fusille, il sabre, il assomme,
Et trouve au sang de la douceur.
Les moins cruels sont ceux qu’on nomme
Bourreaux, soit dit bien entre nous.
Taisez-vous, oiseaux, taisez-vous.

Bon Dieu ! c’est le chasseur qui tire !
Il blesse à l’aile une perdrix.
Son chien la prend ; pauvre martyre !
Le chasseur, que gênent ses cris,
Lui brise la tête ; elle expire.
Ce soir, il médira des loups.
Taisez-vous, oiseaux, taisez-vous.

Il s’éloigne. Son œil avide
Voit un chevreuil au bord du bois,
À l’abri de l’arme perfide,
Laissez éclater votre voix.
Mais si demain, le carnier vide,
Il passe encor près de ces houx,
Taisez-vous, oiseaux, taisez-vous.