LE BAPTÊME
PREMIER CORSE.
Nous voilà sujets de la France,
Qui nous envoie un gouverneur.
Y gagnera-t-elle en puissance ?
Y gagnerons-nous en bonheur ?
DEUXIÈME CORSE.
De ce toit, vois d’ici le maître,
Bonaparte, ami des Français :
Tandis qu’il aide à leurs succès,
Un second fils lui vient de naître.[1]
PREMIER CORSE.
Dans toute l’île une fête a donc lieu ?
DEUXIÈME CORSE.
D’être à la France on y rend grâce à Dieu.
PREMIER CORSE.
On dispose ainsi de la Corse
Sans nous dire : Y consentez-vous ?
La règle des rois, c’est la force ;
Ont-ils parlé : peuple, à genoux !
DEUXIÈME CORSE.
Dieu le veut, comme il veut la joie
De ces époux qu’on vient fêter.
À l’église on va présenter
L’enfant qu’à leur cœur il envoie.
PREMIER CORSE.
Où va la foule, au pied de ce rempart ?
DEUXIÈME CORSE.
Voir de la France arborer l’étendard.
PREMIER CORSE.
Sur nous, qu’avait opprimés Gênes,
Un autre joug va donc peser ?
Ce n’est pas à changer de chaînes
Que l’on apprend à les briser.
DEUXIÈME CORSE.
Voilà le baptême qu’on sonne ;
Le cortège part triomphant.
Ce fils n’est pas leur seul enfant :
D’où vient tout l’espoir qu’il leur donne ?
PREMIER CORSE.
Par le canon, quoi ! ce jour est fêté !
DEUXIÈME CORSE.
Il sera cher à la postérité.
PREMIER CORSE.
La Corse étonnera le monde,
A dit un ami de nos droits.[2]
Mais, s’il faut qu’un roi la féconde,
Qu’enfantera-t-elle ? Des rois.
- ↑ Napoléon Bonaparte est né le 15 août 1769, jour de l’Assomption de la Vierge, peu de mois après le traité qui réunit définitivement la Corse à la France. Son père, Charles Bonaparte, avait d’abord été très-opposé aux Français ; mais M. de Marbeuf finit par l’attacher à leur cause, qui était dans l’intérêt de cette île.
- ↑ J.-J. Rousseau, que les Corses avaient voulu charger de faire une constitution pour leur île.