LAIDEUR ET BEAUTÉ
Sa trop grande beauté m’obsède ;
C’est un masque aisément trompeur.
Oui, je voudrais qu’elle fût laide,
Mais laide, laide à faire peur.
Belle ainsi faut-il que je l’aime !
Dieu, reprends ce don éclatant ;
Je le demande à l’enfer même :
Qu’elle soit laide et que je l’aime autant.
À ces mots m’apparaît le diable ;
C’est le père de la laideur :
« Rendons-la, dit-il, effroyable,
« De tes rivaux trompons l’ardeur.
« J’aime assez ces métamorphoses.
« Ta belle ici vient en chantant :
« Perles, tombez ; fanez-vous, roses.
« La voilà laide et tu l’aimes autant. »
Laide ! moi ! dit-elle, étonnée.
Elle s’approche d’un miroir,
Doute d’abord, puis, consternée,
Tombe en un morne désespoir.