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débats n’ont détruit, n’ont atténué en rien la prévention qui pèse sur le sieur de Béranger et sur ses complices, et nous ne craignons pas de leur répéter :

« Oui, vous avez attaqué dans vos rimes audacieuses ce qu’il y a de plus sacré et de plus inviolable parmi les hommes ; vous avez voulu ébranler d’un doute impie le principe divin et consolateur d’une vie à venir écrit dans le cœur de tous ; vous avez cherché à couvrir de ridicule cette intervention salutaire que la religion offre à l’humanité souffrante, au dernier terme de la vie ; vous avez outragé par une allusion grossièrement insultante votre souverain, le père de la patrie, votre père ; sans respect pour son rang auguste, pour ses vertus, pour son âge, vous avez appelé sur lui la dérision et le mépris ; vous l’avez offensé dans sa personne, dans son caractère sacré. Vous êtes bien coupable assurément ; et si l’on pouvait supposer, ce qui n’est pas, que vos vers dussent l’existence à l’erreur d’un moment, et que rendu à vous-même vous devinssiez votre propre juge, oui, n’en doutons pas, descendant dans votre conscience, vous désavoueriez un si détestable égarement, et votre cœur, croyons-le, condamnerait l’œuvre de votre esprit et reconnaîtrait la justice de la peine qui vous sera inévitablement infligée. »

Me Barthe prend de nouveau la parole, et commence son entraînante réplique par ces mots prononcés avec l’énergique accent de la conviction.

« Les rois ont dû avoir des serviteurs zélés et ardents ; mais il n’en faut pas conclure qu’ils soient bien servis : l’insistance du ministère public, cette interprétation forcée pour défendre la dignité royale, tout ici me paraît inconciliable avec l’intérêt du prince, et ce zèle mal entendu ne saurait lui être utile. C’est, je l’avoue, une bien singulière et bien