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buées à M. de Béranger. Il stimulait l’indolence du ministère public, qui ne se décida qu’avec peine à opérer la saisie. On lui doit d’avoir arrêté la circulation de cette édition coupable. Voilà le service ; vous en voyez la récompense.

« Maintenant on lui fait un reproche d’avoir publié son édition, quand le pouvoir laissait paisiblement circuler une contrefaçon accompagnée d’accessoires si criminels. N’est-ce pas ici le cas de répondre avec le fabuliste :


Si vous, maître et fermier, à qui touche le fait,
Dormez sans avoir soin que la porte soit close,
Voulez-vous que moi, chien, qui n’ai rien à la chose,
Sans aucun intérêt, je perde le repos ? »


Le défenseur annonce qu’il va examiner deux questions : la responsabilité du libraire, en thèse générale ; cette même responsabilité, considérée dans ses rapports avec la nature de la cause et le caractère de l’accusation.

« Je n’ai jamais trop bien compris, dit-il, même à l’égard des auteurs, le système des interprétations ; ce système qui tend à faire prononcer une condamnation certaine pour un délit présumé, qui tend à faire condamner de simples intentions sans corps de délit constant. Mais à l’égard des libraires, condamner un accusé pour n’avoir pas eu d’esprit ! Ah ! messieurs, que de coupables dans le monde !…

« Il nous fallait donc deviner, nous, simple commerçant, non juge ni procureur du roi, que Charles-le-Simple voulait dire Charles X, que les barbons voulaient dire les Bourbons ! Il fallait deviner cela ou aller en prison ! Ainsi le Sphinx proposait des énigmes, et dévorait les malheureux qui n’avaient pu les deviner. (Mouvement.)