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« Pour bien expliquer ma pensée, sur la nature du délit que poursuit en ce moment le ministère public, qu’il me soit permis de rappeler une anecdote qui fut la dernière de la vie d’Ésope.

« Les Delphiens étaient furieux contre lui de ce qu’il n’avait pas assez sacrifié à leurs dieux. Pour le punir de cette résistance, ils placèrent clandestinement un vase sacré dans ses bagages. Ils l’accusèrent ensuite de l’avoir volé ; et, comme les Delphiens avaient aussi leur loi de sacrilège, Ésope fut condamné à mort.

« Je dirai à l’accusation : Voilà ce que vous faites vous-même. Ce vase sacré, c’est vous qui le placez dans le bagage de la prévention. Sous le prétexte de défendre la dignité royale, c’est le ministère public qui l’attaque de la manière la plus violente. Non, messieurs, ce ne sera jamais en France que des juges consentiront à placer dans une phrase un mot pour se donner le plaisir de créer un délit et le plaisir de le punir ensuite.

« Au reste, messieurs, ces mêmes chansons circulent à l’étranger, en Belgique, où, certes, l’on n’accusera pas le ministre de la justice d’une trop grande indulgence pour la presse : elles y sont distribuées librement : voudrez-vous que du Nord de l’Europe on montre du doigt la France à l’occasion de ce procès, comme la France se croit en droit de désigner l’Espagne et le Portugal ? »

Arrivant à la chanson du Sacre de Charles-le-Simple, Me Barthe s’exprime ainsi :

« Supposez qu’au moment où la cérémonie du sacre d’un roi de France va se consommer, un homme vénérable, un L’Hôpital, environné du respect public, s’adresse au prince et lui fasse entendre ces moralités que tous les princes ont entendues :