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chambre du conseil ; il fit imprimer le jugement de condamnation, et y ajouta, pour la commodité du lecteur, les passages incriminés, dont on s’était contenté d’indiquer les pages, et notamment le fameux passage où se trouvait le mot bonhomie. »

Me Dupin, après avoir cité quelques autres exemples, s’appuie du témoignage de M. de Serres, auteur de la loi du 17 mai. M. Sirieys de Mayrinhac voulait que le député qui se serait servi d’une phrase inconvenante fût déporté sur son banc ; un autre membre proposa par amendement que la phrase ne fût pas répétée dans les journaux. M. de Serres, alors garde des sceaux, s’éleva contre cette proposition : « L’amendement, dit-il, dans une discussion publique, rendrait une partie de la discussion secrète : ce serait une chose contraire à ce qui se passe ailleurs. Quelque atroce que soit un fait, quelque infâme que soit un libelle, on permet aux journaux, en rendant compte des arrêts des tribunaux, de citer les passages incriminés. Cela est même dans l’intérêt de la morale publique. »

« Aussi, continue Me Dupin, quand la question a été soumise au barreau, on n’a été embarrassé que de limiter le nombre des souscripteurs ; trente-deux jurisconsultes, parmi lesquels on remarque notre doyen, notre ancien bâtonnier, et d’autres avocats distingués, trente-deux jurisconsultes investis de la confiance publique ont tous répondu, sans hésiter, que le fait d’avoir imprimé et publié un arrêt de la cour ne constituait ni crime ni délit ; et vous voulez qu’un chansonnier, qui n’entend pas les lois comme trente-deux jurisconsultes, ait considéré comme défendu ce que tant d’hommes de talent ont cru permis, ce qu’un garde des sceaux a déclaré être même dans l’intérêt de la morale publique !