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Dieu m’a changé pour me punir :
À tout ce qui meurt je m’attache.
Mais du toit prêt à me bénir
Le tourbillon soudain m’arrache.
Plus d’un pauvre vient implorer
Le denier que je puis répandre,
Qui n’a pas le temps de serrer
La main qu’en passant j’aime à tendre.
                Toujours, toujours,
Tourne la terre où moi je cours,
Toujours, toujours, toujours, toujours.

Seul, au pied d’arbustes en fleurs,
Sur le gazon, au bord de l’onde,
Si je repose mes douleurs,
J’entends le tourbillon qui gronde.
Eh ! qu’importe au ciel irrité
Cet instant passé sous l’ombrage ?
Faut-il moins que l’éternité
Pour délasser d’un tel voyage ?
                Toujours, toujours,
Tourne la terre où moi je cours,
Toujours, toujours, toujours, toujours.

Que des enfants vifs et joyeux,
Des miens me retracent l’image ;
Si j’en veux repaître mes yeux,
Le tourbillon souffle avec rage.
Vieillards, osez-vous à tout prix
M’envier ma longue carrière ?
Ces enfants à qui je souris,
Mon pied balaiera leur poussière.