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sont, il est vrai, obscènes, impies, séditieuses ; mais ce sont des chansons : elles peuvent ravir à la jeune fille sa pudeur, à l’épouse sa chasteté conjugale, au chrétien sa foi, au soldat sa fidélité, au pauvre ses consolations ; mais ce sont des chansons : elles prodiguent le sarcasme et la dérision, non seulement aux ministres de l’église, mais encore à tous ceux qui s’y rassemblent pour prier ; elles essaient de glacer par le ridicule des pratiques religieuses déjà ralenties par le scepticisme et l’indifférence ; mais ce sont des chansons : elles jettent dans les cœurs ces folles semences qui ne peuvent produire que l’amertume ; elles attisent une sorte de défiance et de haine entre toutes les classes de la société ; mais ce sont des chansons : elles excitent à déployer, comme signe de ralliement et de révolte, ce drapeau qu’il ne faudrait déployer que pour sécher le sang et les larmes dont il est abreuvé ; mais ce sont des chansons.

« Ce langage, messieurs, serait imprudent et irréfléchi dans la bouche des gens du monde, mais il serait une lâche apostasie dans la nôtre, puisque nous devons faire exécuter les lois ; et il serait un parjure dans la vôtre, puisque vous avez juré de prononcer en votre âme et conscience sur les faits qui vous seront soumis. »


M. Dupin réplique en ces termes :


« Messieurs, j’aurais bien mal connu l’esprit de mon ministère, si je n’avais appuyé la défense de mon client que sur des futilités et des plaisanteries. Personne ne sent plus vivement que moi tout ce qu’a de grave la position d’un accusé ; personne n’est