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l’en eût cru susceptible. Il était donc naturel qu’il sentît redoubler sa vocation dans une cause dont son client semble s’être promis de chansonner tous les actes : il y avait donc ici nécessité d’être plaisant, et le rire était forcé.

« Si les principes et les lois étaient des biens privés dont on pût disposer pour prix du plaisir qu’on reçoit, vous seriez désarmés, parce que vous auriez souri ; mais vous n’êtes que dépositaires et comptables des intérêts que la société vous a remis. Vous n’êtes point venus dans cette enceinte chercher une récréation, mais remplir un devoir. Dès lors qu’ont de commun la gaîté et le sentiment de ce devoir ? qu’ont de commun l’austérité de vos fonctions et l’hilarité d’un auditoire oisif qu’attire ici un frivole instinct de curiosité ?

« Le défenseur a tracé un vaste cercle autour du vrai point de la cause, et s’y est égaré sans cesse. Il a cru disculper le prévenu en citant mille ouvrages dont les auteurs n’auraient pas été punis. C’est moins une défense qu’une évasion ; c’est dans sa propre cause qu’il faut chercher sa justification, et non dans la cause d’autrui.

« À l’entendre, c’est la première fois qu’on punit un chansonnier ; jamais avant la révolution, dit-il, on n’osa attaquer les privautés de la chanson. Quand il serait vrai que les licences fussent restées impunies à cette époque, il nous semble que tout ce qui s’est passé dans la révolution n’est pas tellement favorable, qu’on puisse prendre pour exemple tout ce qui s’est fait avant. La chanson peut avoir sa part dans tous les écrits qui concoururent à la funeste abolition des respects consécrateurs de l’autel et du trône, car enfin la révolution n’est pas tout entière dans les journées du 14 juillet, du 10 août, du 21