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duire devant un second jury qui sera appelé à condamner le même ouvrage que le premier jury avait absous ! — Ce ne serait pas seulement une violation des lois qui disent que tout individu acquitté ne peut plus être repris à raison du même fait qui a été l’objet de l’accusation, ce serait un leurre, une déception, une vraie surprise indigne de la justice.

« Je suis d’autant plus étonné, je ne dis pas de la résistance, puisqu’il n’ose pas ouvertement s’opposer, mais de l’hésitation du ministère public, que la question s’est déjà présentée, et que la prescription a été accueillie par l’arrêt de la cour rendu dans l’affaire du sieur Cauchois-Lemaire. Il y a même cette différence favorable au sieur de Béranger, que les fragments du sieur Cauchois-Lemaire étaient des articles de politique peu attrayants par eux-mêmes, et publiés dans une feuille assez peu répandue, tandis que le recueil des chansons du sieur de Béranger, précisément parce que c’étaient des chansons, avait obtenu la plus grande vogue, la plus entière publicité.

« Un mot échappé au ministère public tendrait à faire croire qu’il regarde l’arrêt de renvoi comme ayant à ce sujet force de chose jugée, parce qu’on ne s’est pas pourvu pour le faire casser.

« C’est une erreur ; ce n’était point ici le cas de se pourvoir. Si cet arrêt eût renvoyé le sieur de Béranger à la cour d’assises, pour s’être promené dans la rue, c’eût été le cas de se pourvoir en cassation, parce que le fait de se promener n’est pas un délit. Mais la prescription d’un délit n’empêche pas qu’il n’y ait eu délit : c’est une exception qui pourra être opposée en cour d’assises, et qui devra être accueillie ou rejetée, selon qu’elle se trouvera bien ou mal justifiée. Ainsi la chambre d’accusation a pu vous