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ouvrage et se moquer des institutions les plus saintes.

« Il faut l’avouer, messieurs, le sieur de Béranger a singulièrement trahi les destinées de la poésie. Cet idiome inspirateur semblait être donné aux mortels pour ennoblir leurs émotions, pour élever leurs âmes vers le beau idéal et la vertu, pour les préserver d’un stupide matérialisme et d’une végétation grossière ; en leur présentant sans cesse des pensées d’élite, des images de choix, analogues à leur divine essence ! Et ce poëte, à qui, pour un si bel emploi, le talent des vers fut prodigué, quel usage a-t-il fait de ce talent dont la société lui demande compte aujourd’hui ? Il a déshérité l’imagination de ses illusions, il a ravi au sentiment sa pudeur et ses chastes mystères, il voudrait déposséder l’autorité des respects du peuple, et le peuple des croyances héréditaires ; en un mot, il voudrait tout détruire, même celui qui a tout créé.

« Et dans quel temps vient-il parmi nous se faire le mandataire de l’incrédulité ? c’est lorsqu’un instant de repos succédant à nos agitations politiques, nous ouvrons enfin les yeux, comme à la suite d’un long délire, étonnés que nous sommes de voir quels ravages l’impiété a faits dans les mœurs ! c’est lorsque les bons citoyens voudraient qu’on profitât de l’espèce de calme où nous voici, pour aviser aux moyens de le rendre durable et réel en restaurant les bases de toute agrégation sociale ! c’est lorsque, désabusés des innovations trompeuses, des systèmes décevants, on revient, après un vaste cercle d’erreurs, à une religion seule capable de sauver les États, car seule elle peut discipliner tant d’esprits rebelles, et ramener dans nos foyers le culte des traditions vénérables ; seule elle peut rendre à la jeu-