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passions douces, s’adresser qu’à des sentiments tendres, et, sans la nécessité où nous nous sommes trouvés de réduire par quelques abréviations le compte rendu de ces procès à de justes bornes, on aurait vu l’avocat, après avoir discuté avec clarté et habileté la question légale, après avoir, avec un goût académique, donné de justes éloges à Béranger, offrir dans un style semi-poétique le tableau de la lune de miel d’un nouveau ménage, et présenter, comme moyen de défense à de graves magistrats, les premières joies de l’hyménée. M. Berville est un écrivain de l’école classique qui a mérité une de ces couronnes que l’Académie française décerne aux plus éloquents prosateurs.

Ces trois avocats célèbres ont aujourd’hui changé de position. Des banquettes du barreau ils sont arrivés sur les fauteuils du parquet, sur les sièges de la présidence suprême. De simples avocats ils se sont faits hommes importants en politique. Ce changement, par une raison facile à comprendre, ne peut qu’ajouter de l’intérêt aux discours par lesquels ils attaquaient naguère, eux qui, par leur position actuelle, sont aujourd’hui défenseurs.

Quant à Béranger, il n’a pas varié, lui ; ses dernières chansons sont bien empreintes des mêmes sentiments qui avaient inspiré les premières, objets des procès qu’on va lire ; il est resté fidèle aux opinions généreuses qu’il a toujours manifestées, à la liberté sage, à la tolérance civile et religieuse qu’il est si doux de pratiquer ; à l’égalité, qui inspire à l’homme la conscience de sa dignité, et enfin à ce besoin d’améliorations et de progrès qui de nos jours est le plus sûr indice d’un génie réel ; aussi, dans cette chute de tant de célébrités, dans ce naufrage de tant de réputations, Béranger a-t-il conservé tout entière sa glorieuse popularité.