« Des guerriers morts de notre temps ?
« Là plus d’épouses en prière,
« Là plus de fleurs, même au printemps.
« La lyre attendrie
« Ne redit plus leurs noms effacés tous.
« Nargue du sot qui meurt pour la patrie !
« Enivrons-nous !
« La Liberté conspire encore
« Avec des restes de vertu ;
« Elle nous dit : Voici l’aurore ;
« Peuple, toujours dormiras-tu ?
« Déité qu’on vante,
« Recrute ailleurs des martyrs et des fous.
« L’or te corrompt, la gloire t’épouvante.
« Enivrons-nous !
« Oui, toute espérance est bannie ;
« Ne comptons plus les maux soufferts.
« Le marteau de la tyrannie
« Sur les autels rive nos fers.
« Au monde en tutèle,
« Dieux tout-puissants, quel exemple offrez-vous !
« Au char des rois un prêtre vous attelle.
« Enivrons-nous !
« Rions des dieux, sifflons les sages,
« Flattons nos maîtres absolus.
« Donnons-leur nos fils pour otages :
« On vit de honte, on n’en meurt plus.
« Le Plaisir nous venge ;
« Sur nous du Sort il fait glisser les coups.
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