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De noms affreux cette époque est flétrie ;
Mais, jeune alors, je n’ai rien pu juger :
En épelant le doux mot de patrie
Je tressaillais d’horreur pour l’étranger.
Tout s’agitait, s’armait pour la défense ;
Tout était fier, surtout la pauvreté.
Ah ! rendez-moi les jours de mon enfance,
        Déesse de la Liberté.

Volcan éteint sous les cendres qu’il lance,
Après vingt ans ce peuple se rendort ;
Et l’étranger, apportant sa balance,
Lui dit deux fois : « Gaulois, pesons ton or. »
Quand notre ivresse, au ciel rendant hommage,
Sur un autel élevait la beauté,
D’un rêve heureux vous n’étiez que l’image,
        Déesse de la Liberté.

Je vous revois, et le temps trop rapide
Ternit ces yeux où riaient les Amours ;
Je vous revois, et votre front qu’il ride
Semble à ma voix rougir de vos beaux jours.
Rassurez-vous : char, autels, fleurs, jeunesse,
Gloire, vertu, grandeur, espoir, fierté,
Tout a péri ; vous n’êtes plus déesse,
        Déesse de la Liberté.