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chansons de Panard, de Collé, de Gallet, de Gouffé, de Désaugiers lui-même, et de ses amis du Caveau. Chez Béranger, la pensée, le sentiment inspirateur dominaient. Le refrain n’en devait être qu’une étincelle vive et éblouissante. Ses éclairs réguliers revenant à des temps fixes, étaient un mouvement, une gêne sans doute, un coup de sonnette ou de cordon, inattendu, brusque et saccadé, qui arrêtait à court l’essor du chansonnier. Néanmoins Béranger comprit à merveille que dans une langue aussi peu rhythmique que la nôtre, le refrain était l’indispensable véhicule du chant, le frère de la rime, la rime de l’air, le seul anneau qui permît d’enchaîner encore la poésie aux lèvres des hommes. Il vit de plus que, pour être entendu du peuple auquel, de toute nécessité, beaucoup de détails échappent, il fallait un cadre vivant, une image où la pensée fût en relief, un petit drame en un mot : de là, tant de vives conceptions si artistement achevées, tant de compositions exquises, non moins actives et parlantes que les plus jolies fables de La Fontaine. Béranger se chante dans les ateliers, dans les campagnes, au cabaret, à la guinguette, partout, quoi qu’en aient prétendu d’ingénieux contradicteurs, qui auraient voulu faire de M. de Béranger un bel esprit de salon, un poëte d’étude et d’apprêt ; c’est au contraire l’homme de sa réputation, le chansonnier populaire de nos quinze dernières années, populaire bien autrement que Désaugiers, qu’on lui a opposé sans raison, et qui réussit mieux peut-être auprès des gastronomes. Béranger est le poëte du peuple.

Et cela est tellement vrai que, seul de tous les auteurs contemporains, il aurait pu, en quelque sorte, se passer