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utiles ; il leur doit peut-être d’avoir introduit dans ses chansons quelque chose de la forme du drame. Renonçant au théâtre, le genre satirique occupa un moment son esprit ; mais il lui répugna, comme âcre et odieux. Alors, pour satisfaire à son besoin de travail et de poésie, il prit la grande et solennelle détermination de composer un poème épique : Clovis fut le héros qu’il choisit. Le soin de préparer ses matériaux, d’approfondir les caractères de ses personnages, de mûrir ses combinaisons principales, devait l’occuper plusieurs années ; quant à l’exécution proprement dite, il l’ajournait jusqu’à l’époque où il aurait trente ans.

Cependant sa position malheureuse contrastait amèrement avec ses grandioses perspectives. Après dix-huit mois d’aisance et de prospérité, il connaissait le dénûment et la misère ; de rudes années d’épreuves commençaient pour le jeune homme. Alors, voulant transporter la poésie de sa pensée dans la vie, il songea un moment à l’existence active, aux voyages, à l’expatriation sur cette terre d’Égypte, qui était encore au pouvoir de nos soldats : un membre de la grande expédition, revenu en France, désenchanté de l’Orient, le détourna de ce projet.

La jeunesse, avec toute sa puissance d’illusion et de tendresse, avec cette gaieté naturelle qui en forme le plus bel apanage et dont notre poëte avait reçu du ciel une si heureuse mesure, l’espoir, la confiance, la bonne opinion de soi-même, toutes ces ressources intérieures qui ne manquent jamais aux jeunes gens, triomphèrent de l’adversité ; et la période nécessiteuse que Béranger était forcé de traverser, brilla bientôt à ses yeux de mille