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Vous rampiez tous, ô rois qu’on déifie !
Moi, pour braver des maîtres exigeants,
Le verre en main, gaîment je me confie
                Au Dieu des bonnes gens.

Dans nos palais, où, près de la Victoire,
Brillaient les arts, doux fruits des beaux climats,
J’ai vu du Nord les peuplades sans gloire
De leurs manteaux secouer les frimas.
Sur nos débris Albion nous défie[1] ;
Mais les destins et les flots sont changeants :
Le verre en main, gaîment je me confie
                Au Dieu des bonnes gens.

Quelle menace un prêtre fait entendre !
Nous touchons tous à nos derniers instants :
L’éternité va se faire comprendre ;
Tout va finir, l’univers et le temps.
Ô chérubins à la face bouffie,
Réveillez donc les morts peu diligents.
Le verre en main, gaîment je me confie
                Au Dieu des bonnes gens.

  1. Des critiques anglais, très bienveillants d’ailleurs pour notre auteur, lui ont reproché les traits plaisants ou graves dirigés contre leur nation. Ils auraient dû se rappeler que ces attaques remontent au temps de l’occupation de la France par les armées étrangères, qui avaient fait la Restauration ; à ce temps où sir Walter Scott venait chez nous écrire les Lettres de Paul : lâche et cruel outrage à un peuple aussi malheureux qu’il avait été grand. L’idée d’entretenir la haine entre deux nations a toujours été loin du cœur de celui qui, à l’évacuation de notre territoire, fut le premier à appeler tous les peuples à une sainte alliance.