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pas voulu surtout qu’on tournât le dos à notre siècle d’affranchissement, pour ne fouiller qu’au cercueil du moyen-âge, à moins que ce ne fût pour mesurer et peser les chaînes dont les hauts barons accablaient les pauvres serfs, nos aïeux. Peut-être avais-je tort, après tout. C’est lorsqu’à travers l’Atlantique il croyait voguer vers l’Asie, berceau de l’ancien monde, que Colomb rencontra un monde nouveau. Courage donc, jeunes gens ! il y a de la raison dans votre audace ; mais puisque vous avez l’avenir pour vous, montrez un peu moins d’impatience contre la génération qui vous a précédés, et qui marche encore à votre tête par rang d’âge. Elle a été riche aussi en grands talents, et tous se sont plus ou moins consacrés aux progrès des libertés dont les fruits ne mûriront guère que pour vous. C’est du milieu des combats à mort de la tribune, au bruit des longues et sanglantes batailles, dans les douleurs de l’exil, au pied des échafauds, que, par de brillants et nombreux succès, ils ont entretenu le culte des Muses, et qu’ils ont dit à la barbarie : Tu n’iras pas plus loin. Et vous le savez, elle ne s’arrête que devant la gloire.

Quant à moi qui, jusqu’à présent, n’ai eu qu’à me louer de la jeunesse, je n’attendrai pas qu’elle me crie : Arrière, bonhomme ! laisse-nous passer. Ce que l’ingrate pourrait faire avant peu. Je sors de la lice pendant que j’ai encore la force de m’en