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rer du pays, parce qu’il avait foi dans le peuple.

Le bonheur de la France le préoccupait sans cesse ; eût-il vu accomplir ce bonheur par d’autres que lui, sa joie n’en eût pas été moins grande. Je n’ai jamais rencontré d’homme moins ambitieux, même de célébrité. La simplicité de ses mœurs lui faisait chérir la vie des champs. Dès qu’il eût été sûr que la France n’avait plus besoin de lui, je l’entends s’écrier : Allons vivre à la campagne.

Ses amis politiques ne l’ont pas toujours bien apprécié ; mais survenait-il quelque embarras, quelque danger, tous s’empressaient de recourir à sa raison imperturbable, à son inébranlable courage. Son talent ressemblait à leur amitié. C’est dans les moments de crise qu’il en avait toute la plénitude, et que bien des faiseurs de phrases, qu’on appelle orateurs, baissaient la tête devant lui.

Tel fut l’homme que je n’aurais pas quitté, eût-il dû vieillir dans une position éminente. Loin de lui la pensée de m’affubler d’aucun titre, d’aucun emploi ! car il respectait mes goûts. C’est comme simple volontaire qu’il eût voulu me garder à ses côtés sur le champ de bataille du pouvoir. Et moi, en restant auprès de lui, je lui aurais du moins fait gagner le temps que lui eussent pris, chaque jour, les visites qu’il n’eût pas manqué de me faire si je m’étais obstiné à vivre dans notre paisible retraite. Aux sentiments les plus élevés s’unissaient dans