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Sous le ministère emmiellé de M. de Martignac, lorsque, fatigués d’une lutte si longue contre la légitimité, plusieurs de nos chefs politiques travaillaient à la fameuse fusion, un deux s’écria : Sommes-nous heureux que celui-là soit mort ! C’est un éloge funèbre qui dit tout ce que Manuel vivant n’eût pas fait à cette époque de promesses hypocrites et de concessions funestes.

Moi, je puis dire ce qu’il aurait fait pendant les Trois-Journées. La rue d’Artois, l’Hôtel-de-Ville et les barricades l’auraient vu tour à tour, délibérant ici, se battant là ; mais les barricades d’abord, car son courage de vieux soldat s’y fût trouvé plus à l’aise au milieu de tout le brave peuple de Paris. Oui, il eût travaillé au berceau de notre révolution. Certes, on n’eût pas eu à dire de lui ce qu’on a répété de plusieurs, qu’ils sont comme des greffiers de mairie, qui se croiraient les pères des enfants dont ils n’ont que dressé l’acte de naissance.

Il est vraisemblable que Manuel eût été forcé d’accepter une part aux affaires du nouveau gouvernement. Je l’aurais suivi, les yeux fermés, par tous les chemins qu’il lui eût fallu prendre pour revenir bientôt sans doute au modeste asile que nous partagions. Patriote avant tout, il fût rentré dans la vie privée sans humeur, sans arrière-pensées ; à l’heure qu’il est, de l’opposition probablement encore, mais sans haine de personnes, car la force donne de l’indulgence, mais sans désespé-