Page:Béland - Mille et un jours en prison à Berlin, 1919.djvu/98

Cette page a été validée par deux contributeurs.
93
EN PRISON À BERLIN

Non seulement l’Allemagne et ses alliés, ainsi que les pays ennemis de l’Allemagne étaient représentés à la Stadtvogtei, mais encore, à différentes époques, tous les pays neutres de l’Europe, la Suède, la Norvège, le Danemark, la Hollande, la Suisse et l’Espagne. Comment cela se fait-il ? me demandera-t-on. Ce n’est pas plus difficile à expliquer que l’internement des sujets allemands eux-mêmes. Un Danois, un Hollandais ou un Suédois, de passage à Berlin, entrait en conversation avec quelques Allemands autour de la table d’un café. S’il avait l’imprudence de critiquer un tant soit peu la politique extérieure de l’Allemagne, ou la conduite des opérations militaires ou navales, son sort était scellé. Il retournait à son hôtel ne craignant nulle chose, et dormait paisiblement, ignorant qu’une épée était suspendue au-dessus de sa tête. À sept heures du matin, le lendemain, un casque à pointe quelconque venait le réveiller, et l’invitait poliment à le suivre jusqu’à la préfecture de police. De là, il passait à la Stadvogtei, le véritable clearing house de l’Allemagne. On laissait ignorer au prisonnier lui-même la cause de son emprisonnement, et ce n’est qu’après des semaines de protestations et à la suite de nombreuses correspondances avec la légation ou l’ambassade de son pays qu’il obtenait d’être soumis à un interrogatoire de la part de ces messieurs de la Kommandantur. Si on décidait en définitive de le relâcher, on venait le prendre à la prison, et il était immédiatement dirigé vers la frontière de son pays, sans qu’il lui fût même permis de passer à son hôtel pour y prendre ses effets.