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m’invite à monter dans une automobile, et me dit comme ça : « C’est la première fois que vous venez à Berlin ! » en excellent français. — « Oui », que je lui répondis. — « Berlin est un très jolie ville », continua-t-il. Je n’eus rien à dire à l’encontre. Nous allions ainsi à travers les rues de la capitale, et il m’était impossible de me rendre compte du but que pouvait avoir notre course. J’étais toujours sous l’impression que l’on me conduisait à Ruhleben, camp d’internement de civils de nationalité anglaise, et cette promenade à travers Berlin me laissait espérer que nous allions descendre à quelque hôtel, ou maison de pension quelconque où les prisonniers sont hébergés en cours de route. C’était chez moi, à ce moment, une véritable obsession : je supposais, et j’espérais surtout, que l’on prendrait quelque part une légère collation. Il y avait vingt-quatre heures bien comptées que je n’avais pris aucune nourriture. Mon sous-officier avait bien grugé durant le trajet une croûte tirée de son knapsack, mais, soit pour obéir à sa consigne, ou soit par manque de civilité, il avait négligé de m’en offrir la moindre parcelle.

L’automobile descendait une superbe avenue : c’est, me dit mon nouveau compagnon, l’avenue Unter den Linden (Sous les Tilleuls), la plus belle de Berlin. On peut être anti-allemand, mais on ne peut s’empêcher de reconnaître que cette avenue ne manque pas d’un certain charme. Elle va de la porte de Brandebourg jusqu’au palais de l’Empereur, situé sur la rivière Sprée.