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heureux dans mon choix, et j’emportai les deux ouvrages suivants : Les États-Unis au XIXe siècle, par Leroy-Beaulieu, et Henri Heine, penseur, par Lichtenberger.

Quelques instants après, j’étais au nombre des pensionnaires du Grand-Hôtel.

Toutes les salles de cet hôtel, ordinairement à la disposition du public voyageur, avaient été converties en bureaux pour les militaires. Mon officier ayant échangé quelques mots avec certains de ces messieurs, on se mit à me regarder comme une bête curieuse. — Ce serait donc un Anglais, pensait-on. — Oui, c’était un Anglais. Un Anglais d’une variété spéciale, d’origine et de langue française, mais un Anglais tout de même. Tous ces sur-boches, chacun leur tour, me dévisagèrent de leur regard peu sympathique.

Enfin, on me conduisit à l’étage le plus élevé ; on m’indiqua une chambre ; on plaça à la porte une sentinelle allemande qui eut bien soin de faire un tour de clef au moment où elle fermait la porte sur moi. On avait eu l’extrême obligeance de me laisser savoir que je devrais prendre mes repas dans la chambre même que j’habitais ; que je devrais payer les frais de la chambre et de la nourriture : Sa Majesté allemande refusait de nourrir son prisonnier d’honneur.

Le lendemain, vendredi, 4 juin (1915), ma femme arrivait au Grand-Hôtel d’Anvers où je me trouvais détenu. Elle était plus morte que vive, comme on le