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MILLE ET UN JOURS

utilité pratique dans l’œuvre de destruction de la vie humaine et de la propriété.

Les œuvres d’art également portent l’empreinte de l’atmosphère ambiante ; les bronzes équestres et « kolossaux », reproduisant, pour en faire l’admiration du peuple, le galbe de tous les Hohenzollern passés, présents et futurs, ornent les parcs et les avenues de toutes les villes de l’Empire, sans oublier Strasbourg et Metz.

Et l’on descend même au cabotinage le plus vulgaire ; ne voit-on pas un jour, la fille unique du Kaiser, s’exhiber en costume, — assez collant, — de hussard de la Garde, ou de la mort, pendant que son auguste père pérore sur le thème de la Poudre sèche.

Un jour, sur ses domaines, à l’époque de la moisson, se promenant en veston et en souliers plats, il se sent pris d’une folle admiration à l’aspect des millions d’épis dorés : — « Cela me rappelle, dit-il, les mers de lances de mes uhlans. »

Une autre fois, au cours d’une randonnée qui l’avait amené tout près de la frontière française, entouré d’adulateurs et de flagorneurs aux uniformes resplendissants, le grand Cabotin couronné, se plante sur ses éperons, bien en face de la frontière, tire son épée à demi puis la rentre avec fracas, en laissant échapper cette parole mystérieuse et formidable : — « On a tremblé en Europe ! » — Puis il éclate de rire.

Venons-en maintenant à la décade précédant la guerre mondiale :