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EN PRISON À BERLIN

re une douce violence. Peuple bonasse en somme, il s’est laissé bercer et porter sur cette vague militariste qui déferlait jusqu’aux endroits les plus reculés du territoire.

Pour la haute bureaucratie militariste et administrative, cette énorme préparation militaire de quarante années était destinée à rendre l’Allemagne maîtresse de l’Univers ; pour la masse du peuple, c’était un instrument de défense et de protection. Celle-là cachait à celle-ci ses sinistres desseins, et les rares esprits clairvoyants qui, du milieu du peuple lisaient dans le jeu des meneurs de l’Empire, se gardaient bien de faire des objections ou de demander des raisons ; on est gouverné ou on ne l’est pas… Et ils étaient gouvernés !

Et d’ailleurs, pourquoi se troubler la conscience ? Ce système n’avait-il pas fait ses preuves en 1870 ? Ces deux provinces, ces cinq milliards extorqués à la France, n’était-ce pas là deux causes déterminantes du formidable essor commercial et industriel qui assurait au peuple allemand la prépondérance sur tous les marchés du monde ?

Le militarisme intensif était devenu religion d’état. Les philosophes, les littérateurs, les historiens, ayant donné dans le mouvement, les savants ne pouvaient manquer d’avoir leur tour. Chaque découverte dans le domaine de la mécanique, de l’optique, de la chimie surtout, est soigneusement étudiée, par son auteur lui-même, au point de vue spécial de son