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MILLE ET UN JOURS

l’une de l’autre. À une heure, trois d’entre nous se détachent et vont quérir M. Tager qui ne sait du tout comprendre ce dont il s’agit.

Avant le déjeûner, j’avais fait part à mes collègues anglais de mon intention de leur révéler, au moment des toasts, que notre hôte, M. Tager, était Grand Rabbi du Turkestan, et bien que cette appellation fut du grec pour moi comme pour ceux qui m’écoutaient, je ne manquai pas de persuader à chacun de faire à cette déclaration un accueil enthousiaste, enfin toute une démonstration.

Le déjeûner tirait à sa fin, lorsque je me levai pour proposer la santé de M. Tager. Je ne pus terminer mes remarques sans prévenir mes auditeurs que j’allais faire éclater une sensation au milieu d’eux : j’annonce solennellement qu’il était de mon devoir, malgré la modestie bien connue de M. Tager, de faire connaître un de ses titres au respect et à l’admiration universels. « M. Tager, dis-je, est Grand Rabbi du Turkestan, ce qu’il nous a toujours caché. »

Là-dessus, tout le monde se lève : grand tapage, des bravos, et selon l’usage antique et solennel, l’un d’entre nous attaque le For he is a jolly good fellow. Nous avions à peine fini de chanter la première partie que le sous-officier Hufmeyer fait irruption dans ma cellule et nous impose silence. Il était trop tard, nous avions donné cours à notre enthousiasme pour M. Tager.