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MILLE ET UN JOURS

où, chaque jour, il était absent de la prison. Il avait même mis à ma disposition sa petite pharmacie. Enfin, au point de vue médical, on peut dire qu’entre lui et moi les relations diplomatiques n’étaient pas rompues.

Il venait donc, cette fois, me rendre visite dans le but de s’enquérir de mon état de santé. Il avait sans doute remarqué que mon apparence générale n’était pas des plus brillantes.

— « Comment vous portez-vous ? »… me dit-il en entrant dans ma cellule.

— « Mal ! »… répondis-je.

— « Vraiment, j’en suis fâché ! Je remarque, en effet, que vous n’avez pas votre apparence ordinaire de bonne santé. »

— « Non, je ne dors ni ne mange. Je suis très énervé et je me sens faible et déprimé. »

À travers ses lunettes, le vieux praticien teuton me regardait attentivement ; il me semblait que je percevais dans son regard une profonde sympathie.

— « Mais, dit-il, vous êtes médecin, vous devez peut-être savoir de quoi vous souffrez en particulier ? »

— « Je ne vois pas d’autre chose qu’une privation continuelle, depuis deux ans, d’air pur et d’exercice. »

— « Mais… vous ne sortez donc pas quand vous le désirez ? »

— « Comment ! Voulez-vous dire que je sors de la prison à mon gré ? »…