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pagnies de messageries, en Allemagne, s’étaient élevées à 35 millions de marks, tandis qu’elles avaient à peine atteint quatre millions l’année précédente, ce qui prouve que les vols commis prenaient des proportions gigantesques, et en raison directe de la difficulté du ravitaillement.

En 1916, nous avions obtenu de l’inspecteur des prisons la permission de faire installer à nos frais un poêle à gaz dans l’une des cellules à notre disposition. C’est là que, chaque jour, entre onze heures et midi, on pouvait voir réunis tous les prisonniers de nationalité anglaise qui venaient fricoter. Cette cuisine était sous la direction de l’un de nous. Chacun y pouvait faire cuire ses ragoûts moyennant une faible redevance pour défrayer le coût du gaz. Nous avions même un contrôleur chargé de tenir les comptes, et surtout de veiller à ce que le gaz ne fût pas gaspillé. Ce surveillant gardait toujours de l’eau chaude en quantité suffisante pour suffire aux demandes de tous les prisonniers, et il la vendait à raison de un pfennig le litre (ce qui équivaut à un quart de sou la pinte suivant notre manière de compter). Les pauvres Polonais, surtout durant les mois d’hiver, venaient chez nous acheter de l’eau chaude. J’ai vu bien des fois ces misérables prisonniers retourner à leur cellule avec leur litre d’eau chaude aussi joyeux que si nous leur eussions fait présent d’un bifteck — ils avaient trouvé là une façon peu coûteuse de rétablir la circulation dans leur estomac vide.