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œuvre pour que mon père ne fût pas déporté. Un avocat avait été prié de faire des représentations aux autorités militaires, d’expliquer en particulier, qu’en sa qualité de médecin, mon père n’eût pas dû être interné. On lui avait répondu que les ordres étaient péremptoires, que ces ordres venaient d’une autorité supérieure et qu’il fallait s’y conformer.

Nous restions donc désormais seules au château. À cette époque, aucun officier ne logeait chez nous, mais ce ne fut pas long avant qu’un troisième officier, — car nous en avions eu deux auparavant, — se présentât et s’imposât à loger chez nous. C’est au cours de cette hospitalité que nous eûmes, un soir, l’occasion de passer par des transes épouvantables.

Le fort le plus rapproché du château est le fort d’Erbrant et nous voyions tous les jours défiler dans la rue de petits détachements des soldats allemands qui occupaient le fort.

Une après-midi, vers la tombée du jour, nous étions toutes ensemble assises dans une salle, lorsqu’une des servantes vint nous prévenir que trois soldats étaient entrés à la cuisine et demandaient à voir les caves. On comprend facilement que cette nouvelle nous jeta dans la consternation. Ma mère seule, conserva son sang-froid, et, comme elle se dirigeait vers la cuisine, il fut facile de constater que les trois soldats qui étaient là avaient une morgue peu rassurante. Ils étaient restés couverts, portaient chacun une carabine et avaient un air décidément effronté. En apercevant ma mère, que nous accompagnions, ils redoublèrent d’audace et demandèrent du vin. Nous avions appris que c’était