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auprès du maire afin qu’il fît une démarche personnelle auprès des autorités militaires à Anvers. Le maire nous assura qu’il ne s’agissait alors que d’une simple formalité et que le soir même mon père serait de retour au milieu de nous. En effet, le soir même, vers les huit heures, il rentrait seul, porteur d’une carte d’identification qui lui permettait de circuler librement dans les limites de la commune de Cappellen.

La sécurité dont il jouissait ne fut que de courte durée, car le trois juin suivant, deux soldats se présentaient de nouveau. Comme nous étions, ma petite sœur et moi, sous l’impression qu’il ne s’agissait encore que d’une promenade à Anvers, comme la première fois, nous étions d’avance sorties en courant de la maison pour aller nous cacher dans un buisson près de la grande grille afin de taquiner un peu le « cher prisonnier » lors-qu’il passerait escorté des deux boches. Nous le vîmes passer, échangeant avec nous un petit sourire des yeux, et j’étais loin de supposer, à ce moment, que je ne reverrais mon père que trois ans plus tard. Ce fut en vain que durant cet après-midi et durant la longue soirée qui suivit nous l’attendîmes. Les heures passèrent et la nuit tomba sur les maisons et la campagne sans que nous le revîmes. Il était nuit depuis quelques heures lorsqu’un messager arriva à bicyclette, portant une lettre écrite de la main de mon père nous disant qu’il était interné dans un hôtel, à Anvers. Le lendemain, ma mère alla le voir et demeura avec lui. Nous nous disposions, mes deux sœurs et moi, à l’aller visiter le surlendemain, mais à notre grand regret, la permission nous fut refusée.


Hospitalité payée d’ingratitude



LE DIMANCHE, 6 juin, dans la soirée, ma pauvre mère rentrait, courbée déjà sous un immense chagrin. Elle nous rapportait que ce jour-là, à midi, on était venu arracher mon père de l’hôtel et qu’on l’avait dirigé vers l’Allemagne. Elle nous rapportait également qu’elle avait tout mis en