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son impuissance à démontrer que le conte étudié fût originaire de l’Orient. Mais nous révélait-elle une autre patrie pour ce conte ? nous disait-elle : il n’est pas né dans l’Inde, mais en Italie, ou en Espagne ?

Non : la méthode paraît stérile (Chapitre VIII), et ne le paraît pas seulement dans les quelques monographies que j’ai tentées. Depuis cinquante ans que les plus illustres savants s’obstinent à collectionner des variantes de contes pour les comparer, pour en chercher l’origine et le mode de propagation, l’immense majorité de leurs recherches n’aboutissent pas : si le conte étudié est conservé sous quelque forme orientale, ils se hâtent de le déclarer indien d’origine ; sinon, ils se confinent dans un inutile classement logique des variantes, et s’abstiennent de toute conclusion, ou même de toute conjecture.

Or, pourquoi certains contes sont-ils réfractaires à ce genre de recherches ?

La méthode qu’on y emploie paraît pourtant très sûre. Elle se résume en cette phrase, qui est de M. G. Paris : « Il faut de toute nécessité distinguer dans un conte entre les éléments qui le constituent réellement, et les traits qui n’y sont qu’accessoires, récents et fortuits[1] » Dans un grand nombre de contes, le seul examen « des éléments qui constituent réellement le conte » résout la question d’origine ; l’inspection des « traits accessoires » résout la question du mode de propagation.

En effet, à examiner en certains contes les éléments « qui le constituent réellement », qui en forment l’organisme, on s’aperçoit qu’ils appartiennent nécessairement à une certaine race, à une certaine civilisation. Ils supposent des mœurs, des croyances spéciales ; ils ne peuvent

  1. Revue critique du 4 décembre 1875.