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naient tous les fabliaux attestés en Orient. Le nombre en est, sans doute, très grand ? Plus d’un lecteur sera surpris peut-être de voir qu’ils ne sont que onze.

Or les résultats de ces enquêtes (Chapitres VI et VII)[1] me paraissent contredire la théorie indianiste.

Dans certains contes — et c’est le cas le plus fréquent — les groupes occidental et oriental n’offrent en commun qu’un minimum de données, si nécessaires à la vie même du conte, qu’elles se retrouvent fatalement dans toutes les formes possibles ; si bien qu’on ne peut rien savoir du rapport de ces versions, ni décider si les formes occidentales sont les primitives ou inversement.

En d’autres cas, loin que les versions orientales soient les mieux agencées, les plus logiques, partant les versions-mères, il semble au contraire que le rapport soit inverse, et ce sont les versions indiennes qui apparaissent plutôt comme des remaniements.

Si ces observations sont justes, l’ambitieuse théorie orientaliste devra se réduire à ces inoffensives propositions, que nul ne lui contestera jamais. L’Inde a, très anciennement, pour diverses causes et notamment pour les besoins de la prédication bouddhiste, inventé des contes. Elle en a surtout recueilli, qui existaient déjà, dans la tradition orale. Elle les a rassemblés, la première, en de vastes recueils, tandis que les Égyptiens et les Grecs, qui les contaient, eux aussi, ne daignaient que rarement les écrire.

Ces recueils sont restés longtemps confinés dans l’Inde. Pourtant, après avoir été traduits en diverses langues de l’Orient, deux ou trois d’entre eux seulement, et très tard, au xiie et au xiiie siècle de notre ère, ont été mis en latin,

  1. Cf. aussi l’appendice II.